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La Toussaint
poemas [ ]

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
por [Jeanne_Neis_Nabert ]

2015-02-01  | [Este texto, tienes que leerlo en francais]    |  Inscrito en la biblioteca por Guy Rancourt






« Ne parlez pas d’amour lorsque sur la paroisse
Le glas des trépassés jette sa lourde angoisse
Mais saisis de pitié, tremblant d’être maudits,
Récitez à genoux quelque De profundis ! »


I


Jean le marin, Jeffik la blonde
S’étaient rencontrés chaque soir
Dans le chemin de l’abreuvoir.
L’ombre était douce et si profonde
Qu’elle cachait dans un détour
Le vieux fantôme de l’amour !
L’automne vint, flétrit la lande,
Brisa le cœur des amoureux.
Jean partait sur l’« Aventureux »
Pour la mystérieuse Islande !
Il partait. Or, le lendemain
C’était le jour de la Toussaint.
Il pleuvait, la mer était grise,
Et dès les premiers sons du glas,
L’amoureuse et le pauvre gâs,
Au lieu de prier à l’église
S’étaient promis un rendez-vous !
-Ceux qui s’aiment sont ainsi fous –
Le vent pleurait dans les ténèbres
Tous priaient pour les Trépassés,
Vieillards, enfants et fiancés.
Les flots avaient des voix funèbres.
Jeffik et Jean n’entendaient pas
Les appels furieux des glas !
Ils s’égaraient sur la falaise.
-« Reviendras-tu, mon bien-aimé ?
N’as-tu pas dit que ton aîné
Mourut à la pêche islandaise ? »
-« Oui, l’an dernier ; mais l’an prochain
Je reviendrai pour la Toussaint. »
Et cependant, peuplant la grève,
Les morts autour des fiancés
Qui s’oubliaient en leurs baisers
Gémissaient d’une voix de rêve :
-« Songez au dernier rendez-vous,
Vous qui vivez, priez pour nous ! »
Mais ils n’écoutaient pas les brises,
Ils étaient beaux, ils étaient forts,
Ils étaient loin, bien des morts,
Et leurs lèvres s’étaient reprises.
Un cierge erra dans le lointain (1)
C’était le soir de la Toussaint.


II


Elle « Espéra » fidèle et tendre
Devant la mer aux flots soumis,
Elle rêvait au doux promis
Que la Toussaint devait lui rendre.
La veille, à l’horizon, des feux
Signalèrent l’« Aventureux ».
Il revenait ! « Adieu l’Islande
Voici les cloches de chez nous,
On sent déjà sur les vents doux
Tous les parfums de notre lande ! »
Se disaient, les hommes du bord.
Soudain le vent souffla du nord,
Ce fut l’horreur de la rafale.
-« Ton jour de noce est encor loin
Folle promise de marin ! »
Jeffik erra pleurante et pâle
Toute la nuit. Le lendemain
C’était le jour de la Toussaint.

………………………………….

Alors, vibrant dans la tempête
Et dominant ses lourds efforts,
Le glas vengeur du jour des morts
Se mit à célébrer la fête.
-« Songez au dernier rendez-vous,
Vous qui vivez, priez pour nous ! »
Rien ne resta de l’équipage.
Oh ! les baisers de l’an passé… -
Le corps de Jean fut repoussé
Par une vague sur la plage…
-« Jeffik, disait-il, l’an prochain
Je reviendrai pour la Toussaint ! »

(1): Intersigne breton.

Audierne, 1ier novembre 1902

(Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, pp. 59-62)

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